Elections Législatives : ne soyons pas les dindons de la farce
L’investiture récente par l’UMP de Frédéric Lefebvre comme candidat aux Législatives pour notre circonscription d’Amérique du Nord pourrait bien en réalité relancer une question qui reste latente chez nombre de nos concitoyens : pourquoi élire des députés des français de l’étranger ?
Rappelons que cette élection sera la première, ces nouveaux sièges ayant été créés par Nicolas Sarkozy en 2008. A l’heure où la France comme les autres Etats où les discours populistes anti-élus et les taux d’abstention record montrent le fossé grandissant entre les hommes et femmes politiques et les citoyens, la question ne peut être évacuée d’un revers de main. Certains répondront qu’il n’y a rien à justifier puisque 11 députés pour 2.5 millions de français vivant à l’étranger, cela est finalement bien peu. Ce n’est que juste reconnaissance, nous sommes français nous aussi. Les députés votent le budget et ont le dernier mot sur les lois. Mais en accédant ainsi à l’une de nos très anciennes demandes de reconnaissance, la Nation française nous a accordé beaucoup : le privilège, par la voix de nos représentants élus, sénateurs et bientôt députés, d’élaborer et voter des lois dont la majeure partie régira le quotidien de nos amis et parents vivant en France, et pas le nôtre. Même s’il est vrai que par définition tout député représente des Français ayant des problèmes spécifiques à leur région, ce paradoxe lié à notre situation d’expatriés pourra même être considéré comme un privilège exorbitant par nos concitoyens. Il nous oblige et nous engage et nous donne autant de devoirs que de droits, voire plus.
Le premier de ces devoirs – et pas le moindre –est donc bien d’aller voter. Que pensera-t-on d’un député élu lors d’une élection à laquelle pas plus de 30% des électeurs auraient participé ? Que « loin des yeux, loin du cœur », et donc de la France, de son présent et de son avenir, nous nous contrefichons grandement ? Le cliché qui nous suit trop souvent, celui de « français de l’étranger », coterie de privilégiés et d’initiés, festoyant sous les ors des consulats, n’en gagnerait que plus. Alors, puisque français nous sommes et revendiquons, exprimons le en choisissant vraiment par notre vote notre représentant les 10 et 17 juin prochains.
Le second est à minima d’envoyer à l’Assemblée un représentant qui nous représente. Certes – et nous sommes les premiers à nous en féliciter – notre constitution affirme la souveraineté nationale : nos députés représentent l’ensemble de la nation, et pas seulement les citoyens de la circonscription qui les a élus. A ce titre, leurs décisions expriment la volonté générale et le mandat impératif est banni. Dont acte qu’à cette aune-ci, M.Lefebvre a parfaitement le droit de prétendre à représenter la nation. Pour autant, est-il légitime à le faire ? Les candidats « parachutés » dans une circonscription par leur parti sont légions et n’en font pas moins bien leur travail de représentation, affirmeront ses supporters. Nous laissons juges leurs électeurs. Mais nous savons que tel ne peut être le cas dans des circonscriptions de l’étranger. Comment comprendre sans l’avoir vécu soi-même, la vie d’un français immigré dans un pays tiers, ses angoisses mais aussi l’excitation de découvrir une culture nouvelle qui inévitablement débouche sur une vision enrichie de la France ? Se présenter dans une circonscription éloignée sans avoir cette expérience ne peut être que par calcul politique. Certes M.lefebvre argue qu’il a lui même vécu au Etats-Unis, pays qu’il a quitté lorsqu’il avait moins de 3 ans ! De qui se moque-t-on ? Quelle connaissance de notre vie ici, de notre quotidien, difficultés, succès et envies cela confère-t-il à quelqu’un qui n’a vécu à New York que « un an et demi bébé » ? A quoi bon élire des représentants des français de l’étranger, si nous acceptons la farce dont nous serons les dindons en élisant un futur ex-ministre dont la seule priorité et urgence est de conserver un titre et une fonction à Paris ? Nous avons revendiqué et obtenu la reconnaissance de notre droit à exprimer la souveraineté nationale, notre devoir est d’élire un représentant qui apportera au débat national la force de notre expérience américaine et canadienne. Des résultats de cette première élection des députés de l’étranger dépendra le message que nous enverrons à nos concitoyens et se jouera notre crédibilité.
Martine Volard
Franck Barrat
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