Refonder l’Education sur la confiance et la participation
Il y a deux choses que tout parent expérimentant les écoles américaines comprend très vite : la confiance en eux des américains, qui s’exprime si bien au quotidien mais aussi en politique, dans le domaine commerce, etc…, n’est pas seulement le fruit de leur histoire, faite d’audace et de courage pour la conquête de ce Nouveau Monde. Et encore moins le fruit du hasard. Dès leur plus jeune âge, les enfants américains sont reconnus comme des personnes à part entière dont la parole est écoutée par les adultes. Ils sont valorisés dans leurs apprentissages, et sont partie prenante de la communauté, à laquelle ils peuvent participer activement. Les parents également. Ne nous méprenons pas : je n’oppose pas ici l’éducation française à l’éducation nationale. Les difficultés –et le débat- existent aussi de ce côté de l’Atlantique, accentué encore par les difficultés budgétaires. Même si on peu contester les critères d’évaluation utilisé, les résultats des tests PISA [1] montre que le système éducatif s’essouffle, même s’il conserve une excellente réputation dans le monde, comme le montre le succès des écoles françaises à l’étranger. Les résultats à ces tests se sont dégradés et la France est même dépassée par les USA en sciences et lecture[2] . Mais l’analyse détaillée de cette étude met en évidence d’autres éléments, encore plus intéressants, qui confortent l’introduction de cet article : le système éducatif français formate et sélectionne des cerveaux, mais forme peu des personnes : les petits français répondent moins souvent aux questions lorsqu’ils ne sont pas sûrs de la réponse, à poser des hypothèses et oser des expériences et ont plus de mal à relier les connaissances acquises à leur vie de tout les jours. Ils apparaissent même moins heureux et plus stressés à l’école.
La compétitivité de notre économie ne nécessite pas seulement des cerveaux bien pleins mais des commerciaux, des designers, des ingénieurs, des chercheurs et des techniciens sociables et ouverts aux autres, curieux et inventifs , confiants et même prenant des risques. Autant de qualités que l’école française n’apprend pas ou peu, voire empêche de se développer. Il ne s’agit pas donc pas d’une énième réforme à apporter, et même si clarifier les programmes pour garantir les apprentissages fondamentaux est indispensable, il nous faut aller au-delà et engager une véritable révolution culturelle. François Bayrou l’a parfaitement compris et à fait de « Instruire », c’est-à-dire transmettre des connaissances, éduquer, former, l’un des piliers de son projet. C’est même le projet humaniste par essence car «ce n’est pas seulement la capacité du pays, ce qui est en jeu, c’est l’épanouissement de chacun, non seulement l’épanouissement de l’esprit, mais l’épanouissement de tout l’être et de tous les êtres ». Mais il le dit aussi clairement : les moyens ne sont pas tout et il propose « la refondation de notre école », Pour cela, l’exemple américain peut aider, en posant comme priorité deux principes, fortement mis en valeur ici, la confiance et la participation :
La confiance d’abord
Même si cela n’est pas formellement reconnu, l’enseignement en France reste un système élitiste, qui vise davantage à sélectionner au fil des ans les meilleurs élèves qui iront vers les classes préparatoires aux grandes écoles, et à trier les excellents élèves des bons, moyens et médiocres. Le fameux partage en quatre quarts que les professeurs assurent retrouver bon an mal an. Et pour cause, puisque tout le système pédagogique et donc le système de pensée des enseignants, des proviseurs, des inspecteurs est formaté ainsi dès le départ : pour classer les élèves !
Les évaluations sont le reflet de ce système. Malgré les nombreuses réformes et les expériences nouvelles pour évaluer les compétences à l’école primaire, la note reste le système d’évaluation de base et le commentaire final est trop souvent sec et froid : « Excellent travail, continue ! » – « Bon début d’année mais peut mieux faire » – « Résultats insuffisants, ne travaille pas assez » ou « Résultats satisfaisants mais doit prendre confiance en elle » !!
Et que dire, des récompenses délivrées par les conseils de classe au collège et au lycée : combien délivrent des encouragements ? Un pourcentage très faible. Car encourager fait peur, on préfère encore le bâton pour motiver et faire travailler.
Les bulletins scolaires délivrés aux Etats-Unis sont en comparaison de véritables romans. L’enfant est fortement valorisé (wonderful, amazing, ….), sa personnalité analysée. L’enseignant ne manque pas de noter le plaisir qu’il a de l’avoir dans sa classe. Et même si le résultat n’est pas entièrement à la hauteur des attentes, au moins sera-t-il gratifié d’un « good job » et on aura noté qu’il fait des efforts « he is trying hard »! Bien sur, au début, cela nous fait sourire, nous parents français, et même parfois nous agace car nous aimerions bien savoir ce que « vaut » réellement notre enfant parmi tous ces superbes adjectifs si flatteurs. Car nous aussi, victimes aussi ce cette éducation, et parfois issus de ces grandes écoles qui sélectionnent tant, nous aimerions bien savoir dans quelle catégorie le classer. Mais le sourire et l’ironie cèdent vite lorsque vous constatez l’engouement récent de votre enfant pour reproduire la peinture de Georgia O’Keefe, ses longues explications sur les présidents américains, sa passion pour reproduire avec les aimants de votre cuisine l’attraction du soleil sur la terre et sa facilité à exprimer tout cela aux adultes de votre entourage. Autant de nouvelles qualités développées par des cours moins théoriques et plus expérimentaux, en lien avec la vie de tous les jours et l’actualité, mais aussi une prise de parole plus libre et moins organisée et un système d’évaluation plus ouvert (les « stickers » et les cadeaux reçus qui nous agacent aussi !).
La confiance en soi ne régle pas tout, mais elle favorise fortement les apprentissages : « la relation entre confiance et performance est bien établie chez des élèves de tous âges, même si elle reste d’amplitude modérée. Les recherches montrent clairement que la réussite d’un élève ne dépend pas seulement de ses compétences « objectives », mais également de sa confiance en ses capacités d’apprentissage. »[3] Mais les enseignants, seuls ne peuvent pas tout. Bien évidemment, ils ne pratiquent pas avec dessein des méthodes qui ne valorisent pas l’élève. La plupart connaissent et reconnaissent la nécessité de cette mise en confiance et vraisemblablement expérimentent dans leur classe, des moyens de le faire. Mais ce n’est pas suffisant car cela reste trop isolé. Et faute de projets spécifiques, de formation et de méthodologie appropriée, ils reproduisent inconsciemment un système dont ils sont aussi les fruits.
C’est donc bien d’une révolution culturelle dont l’Education française a besoin car c’est l’institution éducative elle-même qui doit faire de la mise en confiance un objectif prioritaire et mettre en place de façon volontaire des outils, méthodes, formation pour aider et soutenir les professeurs dans cette voie. Et comme pour toute révolution culturelle, un projet et une volonté politique fortes sont indispensables pour impulser et maintenir le changement sur la durée, sans blesser ni laisser personne sur le bord de la route. Tout le monde y gagnera, enfants, professeurs, parents.
La participation ensuite
Mettre en confiance, c’est aussi faire confiance, et donc accepter la participation de tous, enseignants bien sur, mais aussi enfants et parents à la communauté éducative. François Bayrou évoque la « fuite » de plus en plus forte d’enfants vers le secteur privé. Cette fuite est bien évidemment la conséquence de cette perte de confiance. En raison de problèmes de sécurité, mais pas seulement. Le même constat peut être fait dans des zones résidentielles huppées où les problèmes de sécurité n’existent pas réellement. Nos écoles, collèges, lycées sont trop souvent des entités administratives froides, gérées par des règlements et des personnels, certes de bonnes volontés, mais appliquant ces règlements, et rarement décideurs en dernier ressort. Déboussolés, mal écoutés, renvoyés à leurs problèmes, les parents préfèrent souvent se tourner vers une école privée plus à l’écoute et moins impersonnelle. D’autant plus, que mis à part l’organisation des kermesses de fin d’année ou la participation à la coopérative scolaire, leur présence dans l’école reste confinée à des conseils d’école en primaire où on leur octroie seulement le droit de parler de la cantine et des toilettes en primaire, ou aux conseils de classe en secondaire où ils peuvent à peine questionner les récompenses – ou non récompenses – attribuées. De participation réelle aux projets, au développement et mêmes aux difficultés de l’équipe pédagogique, refus total. Les parents ne sont pas en France réellement des acteurs de l’école. Or seule cette participation, ce travail ensemble permettent de se connaître, apprécier et de créer la confiance. Sans collaboration, la confiance ne peut exister et malheureusement ce se traduit trop souvent par des actes de défiance envers l’institution et les professeurs. Il nous faut rebâtir une vraie participation des parents à la communauté éducative –et accepter leur place comme co-éducateurs- en contrepartie d’un respect et d’un soutien sans faille des parents et de l’institution envers les enseignants, métier si difficile.
Participation des élèves également. En France, l’école, le lycée, le collège sont le plus souvent uniquement des lieux de cours et d’apprentissages scolaires. Des activités sportives, encadrées par une association, quelques clubs, un journal et une opération humanitaire, éventuellement. Mais là encore, des initiatives souvent isolées, liées à un principal, un professeur. Les parents et les élèves sont surtout « consommateurs », rarement organisateurs eux-mêmes. Je me souviens même d’une école en France où il avait été refusé à des parents d’organiser d es ateliers jeux pour les enfants pendant la pause du déjeuner, au motif du plan vigie-pirate interdisant l’entrée d’adultes dans l’enceinte de l’école. La sécurité invoquée contre la participation ! Aux Etats-Unis, la participation à la communauté, qu’elle soit éducative, sportive, religieuse,….est la base de l’organisation de la société. Ce que nous jugeons négativement en Europe comme du « communautarisme », crée du lien social et de la solidarité mais aussi motivation, responsabilisation et engagement pour la réussite collective. Cela est également vrai pour les enfants, incités à participer et s’engager au travers de multiples actions collectives, caritatives, mais aussi démocratiques comme les « students governments » pourvus de véritables moyens et pouvoirs. Enfants, professeurs et parents s’y côtoient dans un autre contexte que celui de l’enseignement. L’élève peut montrer et faire apprécier à son professeur une autre facette de sa personnalité. Le professeur peut y être reconnu pour d’autres talents. Les parents y ont une autre opportunité de s’exprimer que par le mécontentement ou la revendication. L’école devient aussi un lieu de vie au sein duquel tous apprennent à se connaître et travailler dans le même but : valoriser et développer leur école, et permettre à tous les enfants à s’y épanouir.
Martine Volard
Vice-Présidente du Modem des Etats-Unis
Ancienne conseillère municipale de Courbevoie (Hauts de Seine), membre de la commission des affaires scolaires
Ancienne présidente de l’association de parents d’élèves PEEP de Courbevoie (Hauts de Seine)
Hello,
A la lecture de cet article article je me suis dit que décidément ma place à l’école française est bien de rester à la maternelle où l’objectif n’est pas (encore) la performance (quoique que) mais plutôt le développement de l’enfant.
Et surtout, le système américain laisse réveur même s’il n’est pas parfait. Mais n’est-il pas le fruit d’un investissement, au delà des acteurs (profs, parents, élèves) du pouvoir politique ?
La confiance est primordiale pour l’épanouissement des enfants et rappelons nous l’épisode crise de ventre et insomnies de nos chers petits dans une certaine classe où je me demande si le problème n’était pas le manque de confiance des enfants en l’instit (et un peu de peur aussi)
Quant à la participation, les mentalités ne sont pas encore prêtes de part et d’autre (enseignants et parents) mais petit à petit les choses peuvent bouger si là aussi la confiance s’instaure car jusqu’à présent c’est la méfiance qui domine. Dans une classe de GS de maternelle du quartier, certains parents refusent que leurs enfants partent en classe nature 4 jours car l’enseignant est un homme (pourtant expérimenté). En début d’année, notre inspectrice a refusé l’autorisation à une collègue d’organiser dans sa classe le matin à l’accueil des ateliers jeux avec la participation des parents !
La petite phrase: Chacun à sa place, et les vaches seront bien gardées est toujours d’actualité ! Dommage !
La confiance est bien au coeur du problème: confiance les uns envers les autres, confiance en un gouvernement, confiance en l’avenir.
I Hope…